Zoom sur les systèmes antivol de neutralisation des billets de banque

La protection contre le vol de billets a beaucoup évolué au cours du siècle dernier. Depuis l’avènement des systèmes antivol modernes de neutralisation des billets de banque, elle repose plus que jamais sur la dissuasion. Un parti-pris efficace qui consiste à rendre le vol inutile. Explications.

Qu’est-ce que la neutralisation ?

La « neutralisation » se trouve au centre de la chaîne de sécurité du billet de banque en France, en Europe ainsi que dans de nombreux autres endroits du monde. Son principe est de rendre un billet frauduleusement acquis instantanément reconnaissable et donc inutilisable. L’idée est simple, mais sa concrétisation s’est faite assez tardivement dans l’Hexagone. Sa mise en pratique s’est, jusqu’à très récemment en effet, heurtée à différentes limites technologiques. Mais ces barrières tombent progressivement. Et cela permet la généralisation d’un système antivol par neutralisation des billets de banque que de nombreux pays nous envient.

Zoom sur les systèmes antivol de neutralisation des billets de banque

Une affaire de pédagogie…

La question des systèmes antivol a connu un regain d’actualité en France avec l’avènement de l’euro. « Plus de huit années se sont écoulées depuis l’introduction des pièces et des billets en euros, et il est temps de s’assurer qu’ils pourront être transportés facilement et en toute sécurité à travers les frontières nationales de la zone euro », déclarait le commissaire aux Affaires Economiques et Monétaires, Olli Rehn, le 15 juillet 2010. C’est dans ce contexte que la Commission européenne a adopté une proposition visant à uniformiser l’application de « règles strictes » en matière de transport de fonds. Ces règles portent notamment sur « l’approbation des compagnies de transports par les autorités nationales », « l’entrainement de leur personnel », « le blindage de leur véhicule », mais aussi, bien sûr, le recours à des « systèmes intelligents de neutralisation de billets de banque ».

Mais qui dit « système intelligent de protection fiduciaire » dit également « sensibilisation des masses aux procédés d’identification des billets volés ». En Europe, diverses organisations expliquent au public comment reconnaître un billet volé et expliquent la conduite à adopter en cas de détection de l’un d’entre eux. On peut par exemple citer Banknote Watch, l’initiative de la Bank of England. Ou encore Vigie Billets, association membre de la Commission Nationale Consultative de la Sécurité et des Transports de Fonds. Le président de Vigie Billet, Paul Roquette, rappelle d’ailleurs que l’avènement des systèmes dit « intelligents » n’est pas « une révolution […], car la tendance et les besoins ayant conduit à ces changements étaient perceptibles de longue date ». La législation s’est toutefois faite par étape, de façon à compléter ce dispositif de dissuasion. L’une de ces dernières étapes a d’ailleurs été complétée en 2012 avec une modification de la loi stipulant que les conteneurs intelligents des transporteurs de fonds seraient désormais estampillés avec un pictogramme distinctif de façon à être reconnaissables.

Les systèmes intelligents de sécurisation des billets de banque ont pour but de piéger les voleurs tout en étant visible par eux  cette logique peut surprendre. Mais la tradition de dissimulation de la protection de fonds, avec ses murs infranchissables, ses portes ultrasécurisées et ses coffres impénétrables a bien changé. La protection de fonds contemporaine n’a en effet plus grand-chose à voir avec la conception que s’en fait l’oncle Picsou. Pour comprendre ce changement, on peut notamment se pencher sur le fonctionnement de ces systèmes antivol. Car il n’est pas inutile de rappeler qu’ils sont plus conçus pour supprimer l’intérêt du vol de billets que pour faire échouer ledit vol.

… et de technique

La European Intelligence Cash Protection Association rassemble l’ensemble des acteurs industriels de la protection fiduciaire « intelligente ». Cette organisation regroupe donc l’ensemble des acteurs qui propose des solutions de protection fiduciaire reposant sur la dissuasion, plutôt que sur de simples barrières physiques. Le credo des membres de l’Euricpa est simple : en rendant la monnaie sans valeur, tout acte de vol devient inutile. À la fois plus efficaces et moins couteuses, les solutions de sécurité inspirée de cette approche sont largement employées en Europe. Obligatoire en Belgique, elles sont également très présentes en France, en Allemagne et en Suède où elles sont soumises à homologation, rappelle l’Euricpa. On les trouve aussi massivement dans le reste de l’Europe des 15, où elles sont utilisées plus librement en complément d’autres méthodes de sécurisation des billets de banque.

C’est Oberthur Cash Protection, filiale de l’imprimeur français de billets de banque Oberthur Fiduciaire, qui représente la France au sein de l’Euricpa. Elle en est même un membre important. Méconnue du grand public, Oberthur Cash Protection est, en effet, la pionnière de la sécurité fiduciaire par la neutralisation des billets de banque. On lui doit ainsi la mise au point de valises capables de noyer leur contenu dans de l’encre indélébile quand on essaye d’en forcer l’ouverture. Ces valises constituent aujourd’hui la pierre angulaire de la protection fiduciaire intelligente  elles sont la technologie de référence en matière de prévention des risques par la « suppression des bénéfices du vol ». Oberthur Cash Protection les décline donc sous une infinité de formes, adaptées au transport de fonds, aux distributeurs automatiques de billets ou encore au simple stockage de liquidité à l’usage des commerçants.

Si ce système est qualifié « d’intelligent », c’est parce qu’il interroge l’intérêt du voleur plutôt qu’il ne l’empêche d’accomplir le vol. C’est une source d’économie pour les banques et les convoyeurs de fonds qui n’ont plus à subir le poids des sécurités physiques au quotidien. Pour les criminels en revanche, ces systèmes sont l’assurance que leurs efforts seront vains, car la neutralisation intervient systématiquement à la moindre anomalie dans le déplacement des billets de banque. « Une réalité qui n’empêche pas les gangsters de tenter leur chance », rapporte Le Parisien avec un brin d’ironie suite à un casse survenu à Paris. « Certains auraient essayé d’immerger les billets dans des bains chimiques pour les laver, d’autres se seraient piqués de cryogénie en plongeant très vite la valise dans l’azote liquide à environ moins 200 degrés pour figer l’encre », explique le journal avant de conclure : « sans résultats probants ».

Céline Blanc